Rappelons les faits et les circonstances.
Tout d'abord, Plongeac est une vieille cité médiévale au plein coeur du Massif Central. Perchée sur un piton basaltique, elle surplombe une petite limagne où serpente une jolie rivière dont les eaux très pures sont réputées pour abriter des espèces rares de poissons. Vers la fin des années 80, la commune s'est dotée d'une belle piscine ce qui était plutôt original à cette époque dans ces contrées un peu reculées. Fort appréciée cependant par les populations locales, un club sportif a rapidement vu le jour et a commencé à former de très bons nageurs. La notoriété du WSP (Water Sporting Plongeac) monta encore d'un cran le jour où Benjamin Bourgeat, natif d'un hameau de Plongeac, fit partie de la sélection représentant la France lors de compétitions internationales vers la fin des années 90.
Tant et si bien que, de succès en succès, le centre de formation demanda, en guise de reconnaissance, que la piscine municipale fût modernisée, agrandie et mise aux normes du moment afin de pouvoir accueillir des compétitions officielles. Mais au vu des maigres finances dont disposait la commune, ces travaux semblaient pharaoniques. L'honnête et dévoué monsieur Nestor Bourgeat alors maire de Plongeac et de surcroît oncle de la célébrité locale Benjamin, se sentait pris au piège entre sa fierté d'oncle, lui qui n'avait pas eu d'enfant, et sa probité vis à vis de ses administrés. Les uns le poussaient à se lancer dans ce grand chantier qui, à n'en pas douter, permettrait de porter haut la renommée de Plongeac, tandis que les autres ne voyaient que manigances, collusion et affaires de famille. Cela d'autant plus que Eugène, le père de Benjamin et par ailleurs président du syndicat des eaux du canton, briguait à la fois la mairie et le siège de député lors de futures élections. Et bien sûr, il ne jurait que par le projet de piscine olympique. Les deux frères, qui jadis s'entendaient comme larrons en foire, finirent par se brouiller.
Aux municipales qui suivirent, la liste "En avant Plongeac", conduite par Eugène dont le surnom "le requin" circulait depuis un moment, ne fut battue que de quelques voix. On recompta et, oh! l'horrible (ou divine selon le cas) surprise, le résultat final la donna vainqueure.
Les accusations plus ou moins fondées de fraude fusèrent de toutes parts. On en vint aux mains, des échauffourées éclatèrent, que la gendarmerie eut bien du mal à faire cesser.
Puis tout s'arrêta brutalement le jour où l'on apprit le décès de Nestor, noyé dans la piscine. L'enquête rondement menée conclut à un suicide.
C'est ainsi que le projet démesuré de piscine olympique en pleine campagne auvergnate ne vit jamais le jour et, pour ainsi dire, tomba à l'eau.