Août. Version imprimable

       Les bourdons jouent leur petite sonate au clair de jour. Leur piano ? Une touffe de lavande en fleurs. Ils se posent sur une tige, se gavent de parfum mauve puis vont sur une autre. A chaque envol, leur poids débonnaire fait rebondir, tanguer, vibrer la tige et leurs ailes dispersent des bouffées de Provence. C'est la musique presque silencieuse de la vie d'été.

       Ne partez pas, hirondelles, pas déjà ! Vous n'avez pas fini votre travail : je vois encore un moustique sur la margelle du puits et le ciel est toujours très grand, très bleu, très lisse. Lorsque le plafond sera bas et que le jour raccourcira au point d'être rattrapé par la nuit, je comprendrai, mais là, vous ne nous avez pas encore tout dit de vos virevoltes. Quand vous serez parties, je fermerai les portes de la grange où vous êtes revenues au printemps, où vous avez niché puis élevé vos petits. Mais pour ma part, je ne suis pas pressé...

       Gorgées de sucre et confites par les ardeurs du soleil, les mirabelles se parent d'or marbré de rose. Les frelons, ces grands amateurs de puissants arômes, se gavent de pulpe charnue. Repus, ils ont du mal à s'envoler, tombent au sol et marchent de travers, complètement saouls Toi qui viens sagement avec ton petit panier faire ton marché à ton tour, ne viens pas pieds nus !

      Tourne petit manège autour du réverbère ! Planté au carrefour de deux chemins menant l'un vers un étang, l'autre vers la forêt, il éclaire faiblement le silence de la nuit Dans la lumière jaune, la pipistrelle est en chasse. La saison est encore généreuse et l'hiver encore loin. Les grillons se taisent ce soir : ils admirent sans doute les prouesses de l'artiste.

La grâce. (Printemps des poètes 2024) Version imprimable

Tout évoquait dans sa démarche un être rare.
L'harmonie parfaite du balancement de ses bras, l'ondulation fluide de son dos, la noble réponse de ses hanches, et, pour finir, son pied qui épousait le sol sans le heurter.
Un respect profond de la terre et du corps.
Le pied, si souvent gourd et malhabile devenait chez elle musique et respiration.
Comme toute vie, tout son mouvement semblait venir de son ventre.
Et son corps tout entier n'était que lumière et jaillissement.
Il montrait le chemin.

Lexique (extraits) Version imprimable

A

A BIENTÔT:
Comment, le livre à peine ouvert qu'il est déjà question de le refermer? Serais-je déjà sur le départ sitôt la lecture commencée? Mais "à bientôt" est aussi une marque de confiance dans l'espoir d'un retour rapide, une sorte de réconfort. J'ai hâte de vous revoir: il n'y a pas de rupture, simplement un court instant d'absence, la mort ne viendra pas casser le fil ou, tout au moins, je fais comme si c'était impossible.

ABRI:
- La pluie commence à tomber. Vite, rentrons nous mettre à l'abri pour continuer la lecture de ce roman-fleuve.
- Il est très difficile de se mettre à l'abri des difficultés.

C

CERF-VOLANT:
J'aimerais être un cerf-volant. Mais ni un cerf, ni un volant.

COMME:
La neige a tout recouvert. Elle tapisse le paysage et le dissimule: elle éteint les couleurs, étouffe les sons. Curieusement tout devient alors comme obscur, mais à l'envers.

E

ECRIRE:
Voici en vrac quelques états d'esprit qui président lorsqu'on se met à écrire:
écrire comme un lac endormi sous une lune claire, écrire comme une houle qui se brise, écrire comme une brise légère sur un champ de blés murs au soleil, écrire comme une goutte d'eau qui rêve de mer ou de nuages, écrire comme une foule ou une fourmi qui cherchent leur chemin... La liste est infinie, les bibliothèques sont pleines à craquer. Il y aura toujours quelque chose à écrire, même quand tout aura été dit.

ÉRUDIT:
L'érudit ne peut s'empêcher de montrer qu'il l'est, au risque de paraître quelqu'un qui n'existe que par la pensée d'autrui.
L'ignorant fait étalage de son ignorance. Lui aussi sonne creux.

G


GRENIER:
Lieu de poussière et de mémoire. Les souvenirs s'entassent avant de savoir qu'ils seront la mémoire de la famille Certains objets, plus chargés de sens, verront leur vie se prolonger au fil des générations. Les autres, plus dérisoires, finiront au cimetière des choses sans valeur. Le moment du tri est grave et souvent retardé. Et la poussière, arbitre neutre, se dépose inexorablement tandis que les araignées jettent minutieusement un voile pudique sur cet abandon à durée incertaine.

M

MARGE:
C'est ce petit espace qu'on laisse au bord de la page. On ne sait jamais, peut-être y glisser un mot, un correctif, une idée subitement surgie lors de la relecture pour y revenir plus tard. Sorte de pense-bête dirait on.
Chez le commerçant, quand elle est trop large, il faut le regarder droit dans les yeux, renoncer à son achat et tourner les talons sans dire au revoir.
Chez le scientifique, on s'applique à ce qu'elle soit la plus petite au contraire lorsqu'il s'agit d'erreur. Et pourtant, elle est indispensable au chercheur pour continuer de chercher.
 
P

PRESQUE:
J'aime la magie de ce mot qui opère une légère inflexion, ajoute un bémol. Il laisse la porte ouverte l'imagination: il fait beau, qui est catégorique, péremptoire devient il fait presque beau. Le vent est-il trop fort? Y a-t-il beaucoup de nuages malgré le soleil? Mais il peut devenir blessant: je t'aime... ,enfin, presque.
 

S

SECRET:
Ses lèvres se sont tues à jamais. Tout ce qu'elles auraient pu dire n'adviendra pas. C'est ça le vrai secret. Comme une source tarie. La terre retient l'eau quelque part dans son ventre. Ça doit être pour ça qu'on enterre les morts: au plus près de leurs secrets.

SOURIRE:
Le plus beau est sans doute celui de l'enfant qui dort et qui voit sur l'écran de ses paupières closes des images que seuls les enfants peuvent voir. Plus tard, adulte, quand apparemment tout s'est effacé, parfois, une réminiscence affleure. C'est le moment rêvé pour écrire un poème.

V
 
VERRE:
Enfant, j'ai vu un souffleur de verre former une carafe. Ça semblait presque aussi facile que de faire une bulle avec mon chewing-gum,
mais c'est plus durable.

De l'amour Version imprimable

L'amour est un moyen de transport.

***

L'amour est une entrée en matière.

***

L'amour est tout, et réciproquement.

***

S'aimer sème.


Sourire Version imprimable

Le plus beau est sans conteste celui de l'enfant qui dort et qui voit, sur l'écran de ses paupières closes des images que seuls les enfants peuvent voir.
Plus tard, adulte, quand apparemment tout s'est effacé, une réminiscence parfois affleure.
C'est le moment rêvé pour écrire un poème.
 
 

Presque. Version imprimable

J'aime la magie de ce mot qui opère une légère inflexion sur une affirmation un peu trop catégorique, à l'emporte-pièce, voire définitive. On cherche la précision, la plus exacte représentation de ce que l'on veut dire. Cette rose est presque fanée, alors profitons encore de ce qui lui reste de beauté. Mais associé à "enfin", il signifie alors un retournement de pensée, un ajustement, un désabusement: il fait beau... enfin presque; si ce n'est un cinglant désaveu: je t'aime... enfin presque.

Voler. Version imprimable

Haut les mains! Ceci est un hold-up!
Ambiance tendue dans le petit bureau de poste. Silence de mort: on aurait entendu une mouche voler...
 

Le pont et la rivière. Version imprimable

Deux routes qui se croisent et font mine de s'ignorer.
L'une solide, hautaine, et l'autre liquide, incertaine. L'une est un obstacle, l'autre, la solution des hommes.
Mais l'une me fait rêver, l'autre moins.
J'aime m'arrêter au moment de l'enjambement et ma route ne serait pas la même si je ne prenais pas ce temps.
Regarder le courant passer, chercher du regard le poisson qui, dirait-on, vit le nez au vent, immobile dans le flot et qui, d'un mouvement de nageoire ou d'une simple ondulation, se laisse emporter par la force de l'eau. Tant de gens passent sans voir, sans savoir.
Ecouter l'eau se fracasser sur l'étrave des piles du pont, le bouillonnement qui s'ensuit et tous les murmures de l'apaisement une fois passé ce tumulte. A l'étiage de l'été, lorsque la rivière se fait paresseuse et indolente, cette lutte est moins féroce. C'est à peine un évitement, elle semble s'accommoder de ces pierres taillées. Mais au moment des crues, le courant est violent, le combat est rude car la rivière doit passer, coûte que coûte, et, malgré la résistance de l'édifice à ces coups de boutoir, il arrive que le pont se montre finalement fragile, cède et s'effondre. Sans doute sera-t-il reconstruit, mais l'eau gagne toujours!