Deux routes qui se croisent et font mine de s'ignorer.
L'une solide, hautaine, et l'autre liquide, incertaine. L'une est un obstacle, l'autre, la solution des hommes.
Mais l'une me fait rêver, l'autre moins.
J'aime m'arrêter au moment de l'enjambement et ma route ne serait pas la même si je ne prenais pas ce temps.
Regarder le courant passer, chercher du regard le poisson qui, dirait-on, vit le nez au vent, immobile dans le flot et qui, d'un mouvement de nageoire ou d'une simple ondulation, se laisse emporter par la force de l'eau. Tant de gens passent sans voir, sans savoir.
Ecouter l'eau se fracasser sur l'étrave des piles du pont, le bouillonnement qui s'ensuit et tous les murmures de l'apaisement une fois passé ce tumulte. A l'étiage de l'été, lorsque la rivière se fait paresseuse et indolente, cette lutte est moins féroce. C'est à peine un évitement, elle semble s'accommoder de ces pierres taillées. Mais au moment des crues, le courant est violent, le combat est rude car la rivière doit passer, coûte que coûte, et, malgré la résistance de l'édifice à ces coups de boutoir, il arrive que le pont se montre finalement fragile, cède et s'effondre. Sans doute sera-t-il reconstruit, mais l'eau gagne toujours!