C’est un lieu très ancien: un belvédère surplombant la vallée où la rivière fait un coude sévère comme si elle avait cherché, à un moment donné de son histoire à elle, à retourner vers sa source.
Bien  des rois, bien des seigneurs y sont passés ou sont restés avec cour et soldats, belles princesses et baladins. Ripailles et festivités, batailles et hostilités. Puis presque toutes les traces de cette époque ont disparu peu à peu avec le temps. N'en restent à présent  que quelques vestiges: une tour de guet, une jetée de remparts et deux ou trois pans de murs de la forteresse qui jadis bravait l'avenir.
Alors, dans le village que domine le vieux château, une poignée de courageux ont entrepris de faire des fouilles après qu'un jour des gamins ont ramené en trophées de guerre des piécettes et une sorte de pointe métallique ressemblant à un fer de lance. On s'est documenté, on a gratté deci delà, on a même fait appel à une sommité de la faculté d'histoire de la grande ville voisine. Et on en a découvert des choses: des objets de guerre et de culte, de la vaisselle, des enluminures, des étoffes et des bijoux, mais aussi des galeries souterraines, des oubliettes, des ossements, un puits de plus de 20 mètres de profondeur, etc. Bref, tout ce qu'il faut pour reconstituer près de quatre cents ans d'histoire: du pain béni pour le tourisme local et même bien au delà.  La foule s’y presse le dimanche pour visiter ce lieu devenu célèbre.
Mais pour ma part, je préfère venir quand il n’y a plus personne et que la lumière diffuse et tamisée du soir caresse la mousse des vieilles pierres, quand un vent léger fait  trembloter  un noisetier nain qui s'accroche encore dans le mur
au pied de la tour et dont le frisson vient se mêler au murmure de la rivière: là, je viens goûter la sérénité de cet endroit qui, à l’image de tout, montre ce que le temps fait aux gens et aux choses.