J’écris pour l’hiver, pour ce moment où les provisions de l’été viennent à manquer, pour ce moment où l’on se recroqueville autour de l’âtre qui s’éteint peu à peu.
Toute ma vie, sans même le savoir, j’ai fait provision de rêves de soleil et d’eau, moisson d’images et de pensées. J’écris pour irriguer un monde qui devient sec, réchauffer un monde qui devient froid, raviver un monde moribond.

J’écris aussi pour la paix. Non pas pour la paix dans le monde: c’est un mythe politique. Il n’est pas fait pour moi. Et quand bien même il se réaliserait, serions-nous plus heureux pour autant? Je n’en suis pas du tout sûr, parce que cette fameuse paix dont je parle est celle qui est vécue de l’intérieur. La paix intime. Donc dans un premier temps, j’écris très égoïstement pour ma propre paix. Celle qui est au fond de moi et que je perçois parfois, brève, furtive et fugitive, insaisissable, immense et éternelle. C’est aussi pour ça que je publie. J’espère toucher en l’autre cette part subtile de l’être, cette petite flamme qu’il est si bon de nourrir, d’entretenir et de choyer. Mes petites histoires sont construites dans cette perspective. Elles sont comme une réparation d’événements inachevés, avortés, empêchés, et se résolvent dans une sorte de pacification des tensions, une ouverture. Je n’aimerais pas que le lecteur, en refermant le livre, se dise: encore une histoire qui finit mal, encore une histoire qui me fait mal.