Il tombait des cordes et pourtant, j'attendais au coin de la rue. J'étais sûr que c'était elle que j'avais vue s'engouffrer quelques instants auparavant dans un immeuble un peu plus loin.
En fait, je l'avais reconnue à son parapluie ressemblant à des découpures de journaux et surtout à son manteau vert et rose fluo: il n'y avait sûrement qu'elle pour oser s'habiller de la sorte! Que pouvait-elle bien faire dans cet immeuble cossu? En tout cas, c'est sûr, elle m'avait bien tapé dans l'oeil quand, ce matin, elle était venue visiter mon appart. Et moi, dégoulinant de partout et trempé jusqu'aux os, je commençais à grelotter. Finalement, au bout d'un quart d'heure de ce supplice, je décidai de rentrer chez moi.
Après m'être séché et changé, je me servis un grand verre de scotch et m'affalai sur mon canapé. Profiter des derniers bons moments dans cet appartement que j'allais devoir quitter contre mon gré était la seule chose que je pouvais faire. Je feuilletai distraitement un magazine, où j'avais vu une pub pour ce manteau et ce parapluie bizarres, en jetant de temps à autre un oeil par la fenêtre. De là où j'étais, je pouvais voir en enfilade le trottoir d'en face.
Il pleuvait toujours en rafales plus ou moins fortes. Je sursautai lorsqu'elle réapparut. Elle ne marchait pas: elle volait tant elle se déplaçait avec souplesse et élégance. Et j'étais sûr qu'elle revenait dans le quartier pour me revoir. L'idée qu'elle allait sonner à ma porte dans quelques instants me mettait dans un drôle d'état. Pensez donc: quand une huissière de justice mord, ça ne démord pas!...