La campagne, ici, c’est des prés, des haies, quelques champs, des vallons, des fourrés, des bosquets, des bois et des forêts, des rochers lorsque la pente est trop raide ou que la terre est trop maigre, des ruisseaux d’eau vive, des étangs et des lacs, mais aussi des perspectives, des lignes de fuite, des ciels immenses, des villages clairsemés et leurs cortèges de hameaux éparpillés au gré des replis et des replats.
Aujourd’hui, c’est l’hiver et tout semble endormi sous l’épais manteau de neige. Par instants, un timide soleil s’aventure entre les nuages, comme curieux de voir ce monde froid et blanc qui lui ressemble si peu. Mais il n’a pas la force de lutter contre le vent du nord. Ah oui, parlons-en, de celui-là! Il ne souffle pourtant pas très fort. Pas besoin. Une simple petite brise tranquille, égale, qui fait à peine trembloter les dernières feuilles roussies encore accrochées aux hêtres et aux charmes; mais qui, insistante, me fait regretter l’écharpe que j’ai laissée au porte-manteau.
Tout semble dormir, donc, mais pour s’en dissuader, il faut se pencher et même, au risque de s’en plaindre plus tard, s’agenouiller dans la neige et observer. Écouter le friselis des cristaux qui se détachent de la clôture et qui, entraînés par ce vent faible et la pente du fossé, se hâtent de finir leur course dans l’ombre bleue au fond de la rigole gelée. Une feuille devient le jouet de la bise et roule sur elle-même dans un petit crissement nerveux. Avec encore un peu de patience et beaucoup de chance, voir une musaraigne surgir de nulle part, d’un trou dans la neige, au pied d’un piquet de clôture, faire trois bonds et disparaître derrière une touffe d’herbe jaunie. Et puis cette taupe qu’on entend gratter avant de soulever son monticule de terre humide d’où s’échappe à la hâte un ver que l’animal n’a pas su attraper.
Alors bien sûr, quand on se relève, pantalon mouillé et genoux engourdis et qu’on regarde les champs de neige, les bosquets givrés, les lointains adoucis par cette brume de froid mêlée de fumées bleues, on peut se dire que, de loin, tout semble dormir.
Là-haut, au dessus de moi, lentement, une buse solitaire tournoie dans le ciel cotonneux.