Je tiens entre mes doigts un morceau de charbon de bois...
Un jour, l'arbre a été coupé, un autre, débité en bûches, et un autre encore, empilé, mis à sécher.
C'est beau, une pile de bois: pas deux bûches identiques mais, ainsi soigneusement rangées, de cette hétérogénéité naît de l'homogénéité. Une pile de bois, c'est un tout.
Jour après jour, de même que la trotteuse de ma montre grignote l'éternité, la pile diminue. Jusqu'au moment où, la place enfin libérée, une autre vient lui succéder. Ces stères, un à un, morceau par morceau, disparaissent peu à peu en passant par l'épreuve du feu. Le feu continu de mon poêle brûle le bois comme fait la vie: jusqu'au dernier jour. Au printemps revenu, le foyer s'éteint après avoir vaillamment rempli son rôle durant la mauvaise saison.
Alors plus besoin de tison: je me penche et me saisis d'un morceau de charbon resté parmi la cendre. Je souffle un peu dessus pour bien le dégager. J'y lis le vestige encore de quelques veines, les traces d'un noeud, le souvenir d'une quelconque blessure. Par endroits, la lumière disparaît dans un réseau de craquelures tandis qu'à côté au contraire, elle glisse et rebondit comme sur un éclat de miroir brisé. Le noir devient vivant, multiple, profond, subtil et humble à la fois, comme un tableau de Soulages.