J'ai vu de vieux bateaux sur la mer au couchant.
Ce n'était que des points perdus à l'horizon.
Poussés par la marée, ils se hâtaient pourtant.
Je les vis s'approcher, louvoyer dans la passe,
cales à déborder tant la pêche fut belle,
esquivant les récifs ruisselant de soleil,
rejoindre les eaux calmes entre les deux jétées
comme deux bras ouverts accueillant ses enfants.
Les marins sur le pont redevenaient des hommes.

J'ai vu des bateaux blancs filer vers l'infini,
toutes voiles dehors, mus par un vain désir
ou un vent de folie. Reviendront-ils un jour
de leur quête naïve? Auront-ils vu le fil
que nul ne veut briser? Auront-ils essayé,
malgré ce que l'on dit, de braver à main nue
cette infime limite au delà de laquelle
sans espoir de retour on plonge dans le noir?

De patience je n'ai pour avoir la réponse
et préfère manger les poissons que l'on pêche
plutôt que ceux, trop beaux, qu'on espère en rêvant.