Il neige. Le chemin qui passe devant ma maison est désert. Un halo de soleil perce à grand peine et colore le ciel de rose et d'or. Au mur qui sépare la cour et le chemin, le rosier palissé ne ressemble déjà plus à un rosier. Les épines accrochent le blanc duvet qui s'y dépose et les dernières feuilles, si fines, si dentelées, délicates, ne sont plus que de vulgaires pompons d'ouate qui s'inclinent sous leur propre poids.
De l'autre côté du chemin, perché tout en haut d'un grand frêne, un corbeau se tient immobile. On dirait qu'il attend. On dirait s'ennuie. On dirait qu'il n'y croit pas, et qu'il se sent soudain étranger dans ce monde blanc. Alors, las sans doute d'attendre quelque chose qui ne viendra pas, il lâche son cri et s'envole. Soulagée du poids de son noir fardeau, la branche oscille un instant et perd un peu de son manteau de neige, qui s'écroule presque sans bruit, juste un léger crissement, en cascade jusqu'au sol.
Bien au chaud, assis à ma table, je contemple ce monde vide et pourtant habité. Le silence du dehors m'envahit et m'impose sa paix.