La jeune femme au chignon.
Tous les jours, je la voyais passer en voiture. Un petit chignon perché sur le dessus de la tête et d'où pendait une petite cascade de cheveux blonds qui dansait au gré des soubresauts de la rue. Elle semblait sourire au volant, comme mue par une invincible joie de vivre. Elle venait des faubourgs et, au carrefour, tournait sur sa droite. Moi, sur le trottoir en face, je ne voyais jamais d'elle que son profil gauche. Elle conduisait une grosse voiture genre 4x4 de ville comme on dit et paraissait petite, un peu disproportionnée en tout cas. Quand elle passait vitre baissée, je pouvais entendre quelques notes d'une musique nostalgique, mais à chaque fois différente. Allait-elle finir par me remarquer tant la coïncidence de ces furtifs croisements se répétait? Je ne sais, car bien que toujours souriante, elle ne quittait jamais des yeux la portion de rue qui se trouvait devant elle.
Et puis un jour, je ne la vis pas. Peut-être un léger décalage dans son emploi du temps? Un feu resté plus longtemps au rouge? Un encombrement? Le lendemain, pareil. A-t-elle déménagé? S'est-elle fait licencier? Est-elle malade? Bref, je me rendais compte de la place que cette inconnue avait prise dans ma vie. Et je me sentais à la fois triste pour moi et inquiet pour elle. Puis je me dis que c'était peut-être au contraire une bonne nouvelle pour qui lui avait fait changer ses habitudes, le cours de sa vie: une naissance? Un travail plus près de chez elle? Toutes ces petites pensées m'occupaient l'esprit et me mettaient de bonne humeur pour le restant de la matinée.
Cette période de vide a duré plusieurs mois. Pourtant, à la fin, j'y pensais encore, mais de plus en plus rarement. Comme si j'avais intégré le fait que ce petit instant magique, ce rendez-vous non dit avec cette inconnue, ne devait désormais plus se reproduire. Puis un jour, je la revis. Son sourire avait disparu, son petit chignon voltigeur aussi. La voiture n'était plus la même. C'était un vieux break tout cabossé, et par la vitre baissée, j'entendis une musique très triste. Ce n'était pas elle au volant, mais un homme plus âgé; son père peut-être?
Je faillis esquisser un petit geste, mais je me ressaisis aussitôt, de peur de paraître ridicule. Le lendemain, je décidai de partir plus tôt au travail et de m’asseoir sur un banc pour la regarder passer. Je commençais à perdre patience lorsque je la vis à nouveau, dans la même guimbarde, assise à côté du même monsieur. Que pouvait-il donc bien s'être passé? Pourquoi de tels changements, une telle rupture dans sa vie? Et moi, n'étais-je pas finalement en train de tomber amoureux d'une apparition? Avais-je encore toute ma raison?. La scène se reproduisit une dizaine de fois, puis plus rien pendant une semaine. Je ne vivais que dans l'espoir de cette apparition.
Et puis, le lundi, je la revis. Elle était au volant de la vieille bagnole et personne à côté d'elle. Elle avait à nouveau le sourire, s'était refait son petit chignon rigolo. Je ne pus cette fois m'empêcher de lui sourire et de faire un petit signe. de la main. Et alors, quelle ne fut pas ma surprise! Elle mit son clignotant pour se garer un peu plus loin. Elle sortit de sa voiture un peu difficilement et vint à ma rencontre en boitant légèrement. Son sourire était devenu un véritable soleil: je croyais rêver. Surtout qu'elle me dit en rougissant: vous savez, c'est un peu à cause de vous si j'ai mon accident. Elle me montrait sa genouillère. À force de vous croiser tous les jours, j'ai fini par vous remarquer, et me suis mise à penser à vous. Tant et si bien qu'un jour j'ai raté un virage et bousillé ma voiture contre un mur. Mais ne croyez surtout pas que je vous en veuille: vous sembliez ne pas me voir. Je me disais que je m'étais construit ma petite histoire. toute seule. Et puis ce matin, votre petit signe...
Voilà. C'était il y a quelques années de ça maintenant. Et nous en sommes toujours très heureux à présent.
Et puis un jour, je ne la vis pas. Peut-être un léger décalage dans son emploi du temps? Un feu resté plus longtemps au rouge? Un encombrement? Le lendemain, pareil. A-t-elle déménagé? S'est-elle fait licencier? Est-elle malade? Bref, je me rendais compte de la place que cette inconnue avait prise dans ma vie. Et je me sentais à la fois triste pour moi et inquiet pour elle. Puis je me dis que c'était peut-être au contraire une bonne nouvelle pour qui lui avait fait changer ses habitudes, le cours de sa vie: une naissance? Un travail plus près de chez elle? Toutes ces petites pensées m'occupaient l'esprit et me mettaient de bonne humeur pour le restant de la matinée.
Cette période de vide a duré plusieurs mois. Pourtant, à la fin, j'y pensais encore, mais de plus en plus rarement. Comme si j'avais intégré le fait que ce petit instant magique, ce rendez-vous non dit avec cette inconnue, ne devait désormais plus se reproduire. Puis un jour, je la revis. Son sourire avait disparu, son petit chignon voltigeur aussi. La voiture n'était plus la même. C'était un vieux break tout cabossé, et par la vitre baissée, j'entendis une musique très triste. Ce n'était pas elle au volant, mais un homme plus âgé; son père peut-être?
Je faillis esquisser un petit geste, mais je me ressaisis aussitôt, de peur de paraître ridicule. Le lendemain, je décidai de partir plus tôt au travail et de m’asseoir sur un banc pour la regarder passer. Je commençais à perdre patience lorsque je la vis à nouveau, dans la même guimbarde, assise à côté du même monsieur. Que pouvait-il donc bien s'être passé? Pourquoi de tels changements, une telle rupture dans sa vie? Et moi, n'étais-je pas finalement en train de tomber amoureux d'une apparition? Avais-je encore toute ma raison?. La scène se reproduisit une dizaine de fois, puis plus rien pendant une semaine. Je ne vivais que dans l'espoir de cette apparition.
Et puis, le lundi, je la revis. Elle était au volant de la vieille bagnole et personne à côté d'elle. Elle avait à nouveau le sourire, s'était refait son petit chignon rigolo. Je ne pus cette fois m'empêcher de lui sourire et de faire un petit signe. de la main. Et alors, quelle ne fut pas ma surprise! Elle mit son clignotant pour se garer un peu plus loin. Elle sortit de sa voiture un peu difficilement et vint à ma rencontre en boitant légèrement. Son sourire était devenu un véritable soleil: je croyais rêver. Surtout qu'elle me dit en rougissant: vous savez, c'est un peu à cause de vous si j'ai mon accident. Elle me montrait sa genouillère. À force de vous croiser tous les jours, j'ai fini par vous remarquer, et me suis mise à penser à vous. Tant et si bien qu'un jour j'ai raté un virage et bousillé ma voiture contre un mur. Mais ne croyez surtout pas que je vous en veuille: vous sembliez ne pas me voir. Je me disais que je m'étais construit ma petite histoire. toute seule. Et puis ce matin, votre petit signe...
Voilà. C'était il y a quelques années de ça maintenant. Et nous en sommes toujours très heureux à présent.
Imprimer | Commenter | Articlé publié par François Boussereau le 30 Août 16 |