Avec les années qui passent, mon sommeil devient de plus en plus léger. Plus jeune, j'aimais le bruit régulier de l'horloge du salon. Quand parfois je me réveillais au milieu de la nuit, j'écoutais avec plaisir son lent tic tac et je calais ma respiration sur ce rythme: inspir/expir/tic/tac... Quelques instants plus tard, je me rendormais. Maintenant, tout ça a bien changé. Le tic/tac me tient éveillé, et mes pensées font des cabrioles, courent dans tous les sens et ne sont jamais fatiguées de leurs facécies.
Alors un jour, j'ai arrêté l'horloge et l'ai revendue. A la place, je me suis procuré un réveil silencieux. Quand je l'approche de mon oreille, je distingue à peine toute une machinerie qui s'active: fini le décompte méthodique des secondes. On croirait plutôt entendre le bruissement de fourmis qui hacheraient minutieusement le temps. Quand je repose le réveil, je vois la trotteuse parcourir le cadran tranquillement et sans heurt.
Voilà qui me rassure: le temps maintenant s'écoule sans bruit, apaisé. Il glisse et, lentement, m'entraine vers la mort.