Le studio d'à côté (suite n°3)
En sortant du restaurant, nous avons tous encore discuté un moment sur le trottoir avant de repartir chacun de notre côté. Ginette et moi, sans un mot, retournâmes vers nos chez nous. Arrivée devant la porte de son studio, elle ouvrit après un temps d’hésitation. Moi devant la mienne, je fis de même. Puis après un bonsoir que je sentis gêné, chacun rentra dans son appartement. Je déballai à nouveau le tableau qu’on m’avait offert et le plaçai sur le buffet, calé comme j’ai pu à côté le vase de Vallauris, en attendant de lui trouver une place plus digne. Enfin, je m’affalai sur le canapé pour bien le contempler. La courbe de ce corps, le modelé étaient splendides et l’harmonie des ocres me plaisait énormément. Il fallait vraiment que j’aille voir l’original au Petit Palais dès que possible.
J’allais me coucher lorsque Ginette frappa à ma porte. Elle était en négligé et, lorsque j’ouvris, elle me prit dans ses bras et murmura merci, merci pour tout. Je peux entrer? Nous nous installâmes au salon. Elle commença: cette fille en peinture, à part les grosses cuisses, on dirait un peu moi, tu trouves pas? Montée comme ça, j’aurais pas pu travailler longtemps. Mais le haut, c’est pas mal. J’étais gêné qu’elle attaque la conversation ainsi, mais je commençais à la connaître un peu: franche et directe, sa vie ne l’avait pas habituée à prendre des gants avec les gens. Passé le moment de stupeur, j’aimais bien en fait cette façon d’être: c’est simple, sans arrière pensée. Je répondis que demain, si elle voulait, on pourrait aller voir l’original au musée. Elle battit des mains comme une petite fille.
Pendant longtemps encore, nous avons bavardé. Elle parla beaucoup de son enfance dans les environs de Marseille. Son père est décédé quand elle avait six ans, mais elle se souvenait très bien de lui. Il allait souvent pêcher dans les calanques. Elle revoyait encore les poissons si colorés qu’il ramenait et le restaurant tout à l’heure lui a rappelé les plats que sa mère confectionnait. Puis un jour, il n’est pas revenu. Les gendarmes ont retrouvé son corps dans les rochers non loin de l’eau. Plus tard, sa mère s’est remise en ménage avec un type qui s’est mis à la battre. Ginette avait treize ans quand il a commencé à vouloir abuser d’elle, et le calvaire a duré trois ans. Puis elle est partie pour finalement arriver à Paris au bout de deux années d’errances.
Je lui dis qu’elle ne méritait pas ça, qu’elle valait sûrement mieux, que c’était sans doute le moment de commencer à vraiment prendre sa vie en main. On parla travail, formation, mais aussi voyages et découvertes de toutes sortes. Un temps, j’oubliai l’image troublante du tableau pour ne voir que celle d’une jeune femme un peu paumée en quête d’une vie meilleure.
Le jour commençait à poindre lorsque nous décidâmes d’aller nous coucher…
J’allais me coucher lorsque Ginette frappa à ma porte. Elle était en négligé et, lorsque j’ouvris, elle me prit dans ses bras et murmura merci, merci pour tout. Je peux entrer? Nous nous installâmes au salon. Elle commença: cette fille en peinture, à part les grosses cuisses, on dirait un peu moi, tu trouves pas? Montée comme ça, j’aurais pas pu travailler longtemps. Mais le haut, c’est pas mal. J’étais gêné qu’elle attaque la conversation ainsi, mais je commençais à la connaître un peu: franche et directe, sa vie ne l’avait pas habituée à prendre des gants avec les gens. Passé le moment de stupeur, j’aimais bien en fait cette façon d’être: c’est simple, sans arrière pensée. Je répondis que demain, si elle voulait, on pourrait aller voir l’original au musée. Elle battit des mains comme une petite fille.
Pendant longtemps encore, nous avons bavardé. Elle parla beaucoup de son enfance dans les environs de Marseille. Son père est décédé quand elle avait six ans, mais elle se souvenait très bien de lui. Il allait souvent pêcher dans les calanques. Elle revoyait encore les poissons si colorés qu’il ramenait et le restaurant tout à l’heure lui a rappelé les plats que sa mère confectionnait. Puis un jour, il n’est pas revenu. Les gendarmes ont retrouvé son corps dans les rochers non loin de l’eau. Plus tard, sa mère s’est remise en ménage avec un type qui s’est mis à la battre. Ginette avait treize ans quand il a commencé à vouloir abuser d’elle, et le calvaire a duré trois ans. Puis elle est partie pour finalement arriver à Paris au bout de deux années d’errances.
Je lui dis qu’elle ne méritait pas ça, qu’elle valait sûrement mieux, que c’était sans doute le moment de commencer à vraiment prendre sa vie en main. On parla travail, formation, mais aussi voyages et découvertes de toutes sortes. Un temps, j’oubliai l’image troublante du tableau pour ne voir que celle d’une jeune femme un peu paumée en quête d’une vie meilleure.
Le jour commençait à poindre lorsque nous décidâmes d’aller nous coucher…
Imprimer | Commenter | Articlé publié par François Boussereau le 08 Mars 17 |