Elle dit: ce soir tu viens manger chez moi: j'ai des ravioles de moules. Bon, c'est moins chic qu'hier soir, mais au moins, c'est plus cool qu'au resto. Là où j'habitais avant, il y avait un rital au coin de ma rue. J'ai ramené aussi de l'huile d'olive comme quand j'étais petite, des anchois au gros sel, je te dis pas... Faudra que j'y retourne un de ces quatre.
Et voilà comment a commencé ma première semaine de retraite: un coup chez l'un, un coup chez l'autre, un musée par-ci (elle ne semblait pas rassasiée, comme si elle rattrapait du temps perdu), un ciné par-là, ou un resto. Nous formions un drôle de couple, à vrai dire. On aurait pu nous croire père et fille, mais notre complicité allait bien plus loin que ça lorsque nous nous lancions dans les confidences.
Mon programme initial d'aller visiter mes amis aux quatre coins de la France en prenait un sacré coup. Un soir, je lui en fis la remarque et sa réponse n'a pas tardé: et bien, vas-y, on n'est pas mariés, après tout! C'est bien si tu pars, mais c'est bien aussi si tu reviens (oh! que j'aimais cette spontanéité, cette franchise!). Et puis d'ailleurs moi aussi, j'ai envie de faire une pose. On s'est dit tellement de choses que je dois faire le tri. Même si j'ai déjà une petite idée. Puis elle se leva et dit: tiens, j'ai une petite surprise pour toi. Elle disparut derrière le rideau qui servait de cloison entre l'alcôve et le salon.
Lorsqu'elle revint, j'en eus le souffle coupé: toute en sourire, elle était nue! Tu vois, moi, c'est pas Marietta en peinture, mais Ginette en vrai. Tu pars voir tes amis mais qui sait? Tu ne reviendras peut-être pas, et moi, je peux disparaître aussi. On sait jamais ces choses-là. Alors viens, qu'on n'ait rien à regretter. J'ai envie de vivre de vrais trucs, pas de faire semblant. Elle savait que ma vie avait été plutôt terne, malgré le plaisir que je prenais dans mon travail. Et puis je vivais sans femme depuis si longtemps... Elle de son côté, les hommes lui avaient fait trop de mal et elle appréciait ma sincérité, voire ma pudeur. Et c'est ainsi que nous passâmes le reste de la soirée en faisant parler nos corps.Puis on s'est endormis, nus et heureux.
Au matin, nous étions en paix en nous-mêmes...

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Voilà, je suis rentré de mon périple à travers la France. Trois mois sans revoir Ginette! Je lui avais envoyé au début quelques SMS et des photos de là où j'étais, des endroits superbes. Les amis me recevaient chaleureusement et nous avons passé de bons moments à nous raconter nos vies, mais ils me sentaient parfois un peu absent. Et en effet, le silence de Ginette m'inquiétait. Puis j'ai cessé de chercher à la joindre, mais j'étais fort déçu et, à mon retour, je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre: oiseau envolé? Mauvaise rencontre? Ou trop bonne? Valises à la main, je fis une pause devant sa porte. Pas un bruit. Il était 23 heures, j'étais fatigué. Alors je suis rentré chez moi; une petite douche et au lit: tout irait sans doute mieux demain.
Le lendemain, vers 8 heures, j'entendis sa porte se refermer, puis quelques pas sur le palier. Enfin, j'entendis quelqu'un descendre dans l'escalier. Je n'avais pas reconnu sa démarche. J'allai voir la rue au travers de mes persiennes. Je retenais mon souffle. Je la vis sortir. Un homme semblait l'attendre sur le trottoir et en effet je les vis s'éloigner rapidement vers l'arrêt du bus. Je serrai les poings et les mâchoires. Aïe! Ça commençait mal! J'eus presque envie de pleurer: j'étais jaloux comme un ado! Je passai une mauvaise matinée. Puis la raison me revint peu à peu: "point de promesses entre nous, mais quand même"; suivi de "on est allés trop loin sans réfléchir"; "l'éloignement a fait le reste"; "je n'aurais pas dû croire à plus"; "c'est normal, elle est jeune et moi plus". Puis vers 18 heures, je l'ai entendue rentrer discrètement chez elle: "elle m'évite, c'est sûr!". Mais moi, je voulais en avoir le cœur net: n'y tenant plus, je frappai à sa porte.
- Je sais qui c'est, vas-y, entre Julien: je ne voulais pas te déranger. Elle était en jeans, chemisier blanc légèrement entrebâillé où plongeait un foulard de soie mauve. Elle avait fait couper ses cheveux à la garçonne. -Toi, me déranger? Tu rigoles! Mais elle continuait à son idée: je te plais, comme ça? Viens, je vais te raconter. Ça aussi, c'est une surprise, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Je ne voulais pas t'en parler avant et c'est pour ça que je suis restée muette à tes messages. Plusieurs fois j'ai failli t'appeler, mais j'ai tenu bon...