Je vis lentement. Très lentement. Et souvent je m'arrête, même...
Le temps passe sur moi, ne s'attarde pas sur moi: il s'écoule comme une rivière, sans se soucier du galet qui entraverait son cours, sa course folle. L'eau jaillit, bondit, éclabousse, ruisselle, bruisselle, toutes choses que je ne sais faire.
Quand je regarde le soleil, je me demande comment il fait: il est immobile lui aussi pourtant, mais il est si violent! Alors, prestement pour une fois, je range mes yeux.
Je lui préfère largement la lune: la nuit, elle me sourit, je lui souris à mon tour, puis elle s'en va à ses occupations derrière un nuage et disparaît.
Mon monde est celui de l'ombre fraîche et humide, et je fuis autant que je peux ces milieux hostiles où la terre est trop nue, où l'eau a un goût si étrange qu'on dirait qu'elle porte le mal.
L'hiver, quand tout s'arrête enfin, je ressemble à un caillou. Le temps ne compte plus.
Je vis lentement, moi, l'escargot.