Par ma fenêtre ouverte, je vois un vallon. Au fond, on devine le parcours presque rectiligne d'un ruisseau à la rangée des saules qui le bordent. De part et d'autre, comme un grand livre ouvert, deux larges prés en pente douce et légèrement bombée.
Il a neigé.
Les deux pages blanches, immobiles, attendent qu'un chevreuil y danse de folles arabesques, qu'un sanglier trace une ligne, que des corbeaux, ici ou là, marquent une noire ponctuation, que le soleil couchant, en guise de mot fin, verse une goutte de sang et que la lune glace le papier.
Alors, je rêve d'écrire un livre aux pages blanches, où les renards nous confieraient leurs secrets, où les oiseaux chanteraient leurs amours, où les ruisseaux murmureraient leur fraîcheur, où les genêts en fleur rendraient le soleil jaloux, où la lune viendrait calmer nos peurs d'enfant, et où le vent, avec une infinie douceur, tournerait lentement les pages, à n'en plus finir.