Marcel:
    qu'avez vous à me dire aujourd'hui?

Moi:
    alors voilà, je dois vous faire une confidence. Pendant des années et des années, j'ai été confronté à une situation peu enviable et vous allez tout de suite comprendre pourquoi. Fatigué de mes journées passées à débattre et philosopher avec d'éminents érudits et penseurs, j'allais me coucher tôt et m'adonnais à la lecture d'ouvrages simples ne requérant aucun effort intellectuel. Ainsi je m'endormais aisément, oubliant même parfois d'éteindre ma bougie. Seulement, ce bon sommeil réparateur ne durait qu'un temps et très tôt, pris d'insupportables cauchemars et maux de crâne, assailli par les réminiscences de ce que j’avais vécu la veille ou même croyant être habité par les personnages de mes dernières lectures, je me réveillais en sueur au beau milieu de la nuit. J'essayais d'évacuer ce malaise en me tournant et me retournant dans mon lit, boire le verre d'eau que je savais toujours à portée de main, posé qu'il était sur ma table de chevet, mais rien n'y faisait. Puis peu à peu tout ce charivari s'apaisait et je pouvais enfin goûter le silence de la chambre. J'ouvrais les yeux et constatais que la nuit était encore bien noire. Je commençais à penser en toute lucidité à la journée qui, de toute façon, finirait par advenir. Alors, la seule chose qui me restait à faire était de me lever bien que l'heure du chant du coq n'ait pas encore sonné.

Marcel:
   mais c'est bien trop long, mon cher! Taillez dans le vif... On s'ennuie avec vous et vos phrases qui n'en finissent pas.

Moi:
   si vous y tenez... je vais vous parler d'une situation que j'ai eu à vivre au cours d'une partie non négligeable de mon existence. Le matin, contrairement à bien des gens, ayant plutôt mal dormi et ne voyant pas l'intérêt de rester encore au lit, je me levais sitôt les premières lueurs du jour.

Marcel:
  c'est mieux, mais, où voulez-vous donc en venir? J'ai encore un peu de mal à vous suivre! Les détails, c'est bien, mais dans le cas qui nous intéresse, j'aimerais sentir l'idée fondamentale qui soustend votre propos, quelque chose comme une révélation. Vous me comprenez?

Moi:
   ça a duré pendant de nombreuses années: à cause de mon sommeil léger, j'avais pour habitude de quitter mon lit à peine l'aube arrivée.

Marcel:
   je commence à y voir un peu plus clair. Toutes circonstances que vous m'exposiez au début ont certes de l'importance, mais seulement pour vous car c'est vous qui avez vécu ce que vous me racontez. Mais de mon point de vue, pour accrocher mon attention, j'ai besoin d'une phrase choc, d'une grande simplicité, de façon que, une fois le thème exposé, il n'y ait plus qu'à se laisser bercer par le flot du discours. Vous savez, il n'y a pas trente six manière d'accrocher le lecteur: il faut qu'il se sente comme le prisonnier, consentant bien sûr sinon c'est le rejet total, de toute la suite que vous lui offrez. Car en fait, un roman, c'est comme un cadeau que vous feriez à un inconnu: inspirez-lui confiance et faites en sorte qu'il, s'il est permis de penser ainsi, en redemande. Je vous écoute.

Moi:
   longtemps, je me suis levé de bonne heure...