Un jour, je suis allé faire les vendanges. C'était fin août. La saison avait été chaude et, en cette période où le vert se pare déjà timidement d'or et de cuivre, où les perles de rosée matinale roulent sur les feuilles comme du vif-argent, le soleil ne commençait à plomber qu'à l'approche de midi.
Tout se passait bien : l'équipe de vendangeurs était pleine d'entrain et tout le monde s'activait entre les rangs en chantant, maniait l'épinette avec précision. Le travail avançait vite. L'un après l’autre, les porteurs vidaient leurs bouilles chargées de grappes d'un beau rouge sombre. Il commençait à faire très chaud et, dans les lointains, de gros nuages couleur d'ardoise s'accumulaient en bourgeonnant. Sans aucun doute, un orage se préparait.
Tout juste passé midi, la joyeuse troupe s'octroya une pause casse-croûte. Le pain et les terrines passaient de main en main, les topettes se vidaient bon train. Joie et insouciance vont bien ensemble.
Soudain, un éclair déchira le ciel qui, entre temps, avait viré au violet, puis un deuxième sans attendre le fracas du premier et tout se mélangea dans un inquiétant vacarme. La pluie arriva aussitôt et tout le monde courut se réfugier non loin dans une cadole. L'orage était bien là, juste au dessus de nous. Au bout de quelques instants, la grêle s'en mêla. Les grêlons, d'abord comme des petits-pois, martelaient les feuilles en faisant un drôle de bruit. Puis sans prévenir, ils devinrent gros comme des œufs de poule. En même pas cinq minutes, la vigne fut ravagée : les grappes broyées à terre se mélangeaient à la boue et de petits torrents d'eau mêlée de grêlons et de feuilles déchiquetées se formaient entre les rangs.
Narquois, le soleil revint peu après, mais personne ne chantait plus. Ce fut mon seul et dernier jour de vendange.